miércoles, febrero 21, 2007

Les intellectuels éternels

mercredi 21 février 2007

Les intellectuels éternels

Fuente: Le Monde Diplômatique.

Combien d’intellectuels la France compte-t-elle ? Une dizaine, guère plus. Qui sont-ils ? A peu près les mêmes qu’il y a dix ans, c’est-à-dire presque ceux d’il y a un quart de siècle. Que font-ils ? De la télévision. Quoi d’autre ? Ils virent à droite. Leurs noms : Bernard-Henri Lévy, Pierre Rosanvallon, Alain Finkielkraut, Max Gallo, André Glucksmann, Alain Minc, Pascal Bruckner. En 2005, pour résumer leur contribution au rayonnement intellectuel de la France, l’universitaire britannique Perry Anderson titra son livre La pensée tiède. Le reste de l’ouvrage était encore moins chaleureux que cet adjectif.

Le 13 février 2007, sous la houlette de Nicolas Demorand, l’émission d’information du matin « 7-9h30 » de France Inter a eu une idée qu’on aurait pu croire parodique. Celle de réunir au café Flore, « un café littéraire où artistes et intellectuels aiment se rencontrer à l’image de ceux d’hier (Sartre, Camus, Prévert) », ainsi que le précisait le site de l’émission, Bernard-Henri Lévy, Max Gallo, Thierry Pech (secrétaire général d’une association présidée par Pierre Rosanvallon) et, au téléphone, plus brièvement, Michel Onfray. On aura compris que ces cinq-là, très représentatifs de tout ce qui pense, crée, enseigne et écrit en France, essayaient d’expliquer l’attrait quasiment magnétique que M. Nicolas Sarkozy exercerait sur « les intellectuels ».

Deux jours plus tard, Le Nouvel Observateur, qu’une audace n’effraie jamais, consacrait sa « une » et son dossier principal à un sujet original : « Les intellos. Virent-ils à droite ? » Cinq visages se partageaient la couverture du magazine : Alain Finkielkraut, André Glucksmann, Bernard-Henri Lévy, Max Gallo et Michel Onfray. Dessous, en plus petits caractères, la liste des « intellos » comptait sept noms supplémentaires. Dans le dossier, la place de choix était néanmoins réservée à Bernard-Henri Lévy, l’« intello star » que, quelques jours plus tôt, son ami Jean-Pierre Elkabbach avait lui aussi invité (et louangé) sur Europe 1 (1).

Inutile de poursuivre. Chacun sait que dès qu’une idée bateau est lancée, la règle du pluralisme journalistique veut que tous les médias ou presque la reprennent en chœur. Et n’interrogent que ceux — ceux, pas « celles » : les douze « intellos » du Nouvel Observateur étaient en effet tous des hommes, comme d’ailleurs ceux de France Inter — qu’on a déjà entendus cent fois. Mais au fond, doit-on encore s’en étonner dès lors que n’est reconnu comme intellectuel que celui qui consacre sa vie aux médias qui le consacrent. Les autres, ceux de l’ombre, parfois précaires, ont, il est vrai, bien autre chose à faire. Ils travaillent ou militent ailleurs qu’au Flore, et sans attaché de presse. Il n’est pas certain que M. Nicolas Sarkozy exerce sur eux un magnétisme irrésistible.

Serge Halimi

(1) Le 21 février, Laurent Joffrin, PDG de Libération, a informé ses lecteurs que Bernard-Henri Lévy siégerait désormais au conseil de surveillance du quotidien. Ce dernier est déjà éditorialiste au Point, directeur de collection chez Grasset et président du conseil de surveillance de la chaîne Arte.

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