A Tunis, la parabole de Richard Stallman contre la puce
L'inventeur du logiciel libre s'est escrimé, lors du Sommet mondial de l'information, à aller venir sans pistage électronique.
par Christophe ALIX
LIBERATION.FR : 20 novembre 2005 - 12:24
Tunis, envoyé spécial
Durant les trois jours qu'a duré le sommet de Tunis, les 25.000 participants qui arpentaient les allées du palais des congrès du Kram, dans la banlieue de la capitale tunisienne, arboraient tous autour du cou leur badge électronique, porté en penditif. Tous sauf un.
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Présent au SMSI, Richard Stallman, père du logiciel libre «gnu-Linux», l'avait entièrement recouvert de papier d'aluminium, afin de masquer la puce contenue à l'intérieur. Une manière pour cet inlassable militant d'un réseau des réseaux libre de tous droits de propriété et préservé de tout flicage sécuritaire de protester contre la traçabilité que permettent ces étiquettes high-tech. D'où les incidents réguliers et totalement surréalistes avec le personnel tunisien d'organisation de l'événement qui ont émané ses allées et venues dans l'enceinte du SMSI.
«Je suis Richard Stallman, l'inventeur du logiciel libre», expliquait-il indigné aux hôtesses et agents de sécurité du SMSI lorsque ces derniers essayaient de l'identifier à l'entrée de conférences à l'accès contrôlé comme dans l'immense salle des réunions
plénières. Complètement déboussolé par son attitude, le personnel d'organisation ne comprenait absolument pas pourquoi ce barbu hirsute aux cheveux longs, qui se promène habituellement avec une flûte, refusait de laisser apparaître son nom, sa photo et la couleur de son badge (bleu pour les délégations officielles, orange pour les ONG de la société civile et vert pour les médias). Un choc des cultures très cocasse entre le libertaire californien arc-bouté sur la préservation de sa liberté individuelle et des agents de sécurité simplement désireux d'obéir aux consignes et de faire leur travail.
Dotés de la nouvelle puce RFID, cette fine bande d'aluminium appelée à remplacer les codes-barre dans la distribution afin de tracer les articles et de permettre, entre autres, une comptabilisation automatique de la «démarque inconnue» (les vols en magasin) et une meilleure gestion des stocks, cette nouvelle technologie peut être appliquée à toutes sortes d'usages, comme dans l'organisation de salons professionnels. En dotant les badges de cette puce, on peut ainsi contrôler les allées et venues des participants, savoir à quelle heure ils sont rentrés dans l'enceinte surprotégée du sommet mondial de l'information et ce qu'ils y ont fait.
En leur adjoignant un émetteur capable de reconnaître un porteur de badge à distance, on peut même savoir à tout moment où se trouve cette personne, un peu comme lorsque l'on localise un utilisateur de portable avec une précision de quelques mètres. Au SMSI de Tunis, ces e-badges ne servaient apparement qu'à contrôler les entrées à l'intérieur du sommet en vérifiant sur un écran d'ordinateur que la photo correspondait bien à la personne. Une mesure de sécurité plus qu'un réel flicage. Dans le palais du Kram, les contrôles n'étaient que visuels, en fonction de la couleur, comme pour accéder au centre de presse. Mais Richard Stallman n'en voulait pas, décidé, comme dans le feuilleton «Le prisonnier», à montrer avec force aux organisateurs tunisiens qu'il n'était pas un «numéro».
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