Derrière le joystick, la manipulation
Paranoïa ou véritable manipulation ? Polémique au Venezuela autour du jeu vidéo « Mercenaries 2 ».
lundi 7 mai 2007
DR
« Au Venezuela, un tyran assoiffé de pouvoir fait obstacle à l’approvisionnement en pétrole, entraînant une invasion qui transforme le pays en zone de guerre. » Non, ce n’est pas le début d’un pamphlet d’anticipation de l’opposition à Hugo Chávez. Ni un document secret de la CIA sur la politique pétrolière du président vénézuélien mais l’argument du jeu vidéo Mercenaries 2, World in Flames - le premier épisode se déroulait en Corée du Nord - qui sortira à la fin de l’année sur PC, Xbox 360, PlayStation 2 et 3. Une présentation qui fait grincer des dents en terre « bolivarienne ».
L’an dernier le député « chaviste » Ismael García considérait que « le gouvernement des Etats-Unis sait comment préparer des campagnes de terreur psychologique pour préparer l’opinion publique. » Et ce printemps, c’est Bono, le leader de U2, qui est pris à partie et appelé à la rescousse pour empêcher la sortie du jeu. Pourquoi le gentil Bono ? Car c’est l’un des dirigeants du fonds Elevation Partners qui a investi 300 millions de dollars dans les studios Pandemic à l’origine du jeu. « Nous nous préoccupons énormément du fait que ce jeu ne peut qu’inévitablement accroître les tensions déjà existantes entre les Etats Unis et le Venezuela. Pandemic Studios a fabriqué un jeu d’entraînement similaire pour l’armée américaine » s’émeuvent des leaders religieux américains dans une lettre ouverte au défenseur des causes généreuses en Afrique.
Sur le site officiel du jeu, Pandemic assure « être dans le business du loisir » et n’avoir « jamais été contacté par aucune agence du gouvernement américain pour le développement de Mercenaries 2. Toutes les personnes, histoires et événements sont fictifs. » Mais ce qu’étrangement, on ne retrouve plus sur le site, c’est une image extraite du jeu et abondamment commentée par le mouvement anti-Mercenaires. On y voyait une avenue imaginaire de Caracas à feu et à sang, mêlant nombre de bâtiments symboliques de la capitale et surtout le siège de PDVSA, le géant national pétrolier. Une entreprise qui tente, depuis l’arrivée de Chávez au pouvoir, de réduire sa dépendance à la demande américaine en or noir.
Selon Ángel Palacios, documentariste vénézuélien qui s’est penché sur les méthodes américaines de manipulation de l’opinion, « les méthodes de pression sont aujourd’hui plus subtiles. Il ne s’agit plus de convaincre le monde que Chávez est un tyran mais de provoquer inconsciemment un rejet de tout ce qui ce qui touche au Venezuela. C’est pourquoi on a cette image qui synthétise tout ce que les étrangers peuvent voir de Caracas à la télévision. Une personne liée directement ou indirectement à la création du jeu connaît les mécanismes de la guerre psychologique ».
Paranoïa ou véritable manipulation ? Les créateurs du jeu ramasseront sans doute les fruits de cette polémique (in)espérée. Mais cela n’arrangera certainement pas les relations tumultueuses entre le Venezuela et son puissant voisin à l’heure où l’on « célèbre » les cinq ans du coup d’Etat - soutenu en sous-main par Washington - raté contre Chávez. Un Chávez qui ne cesse depuis d’annoncer la prochaine invasion du pays.
No hay comentarios.:
Publicar un comentario