Par Thierry Deronne, jeudi 7 juin 2007 à 03:43 :: General :: #31 :: rss
Au Vénézuéla le gouvernement démocratise une fréquence de télévision, á l´occasion de la fin de la concession accordée il y a 20 ans á un grand groupe privé. A la place de cette chaîne commerciale faite de sexe, violence, films US, sous-telenovela, et impliquée dans le putsch meurtrier de l´extrême-droite en 2002, il crée un service public, pluraliste et plus participatif. Cela dit, 80 % des ondes radio et TV restent privées. Il suffit de passer devant une librairie, d´écouter la radio ou de zapper á travers les écrans vénézuéliens pour observer la totale liberté de la presse, d´ailleurs en majorité d´opposition.
Aussitôt l´élite transnationale, égratignée dans son monopole médiatique, attaque : "Le dictateur Chavez ferme la dernière télévision indépendante !".
Le même mensonge de l´"atteinte á la liberté d´expression" avait été utilisé contre Allende, dans le même but. Pourquoi s´encombrer d´Histoire alors qu´il suffit de recopier partout la même dépêche ? Un journaliste qui parlerait de la réalité du Venezuela en Europe serait pris pour un fou, ou pour un partisan de Chavez.
Samedi, une marche populaire de 450.000 personnes a répondu aux quelques milliers de manifestants de la bourgeoisie sortis de leurs amphis de communications sociales (et sur-médiatisés comme ceux de l´Université Catholique á Santiago en 1973). Hugo Chavez prend la parole, évoque Gramsci. "Excusez le ton académique, mais après tout le peuple vénézuélien a fait de grands bonds intellectuels." Il parle du bloc historique, de superstructure, de médias dominants. C´est alors que la foule est la plus attentive. Ce moment et cette multitude, resteront, eux, á jamais absents des médias francais.
Une grande partie de la gauche de France tourne encore le dos á cette nécessaire démocratisation du spectre radio-électrique, sans laquelle il ne saurait être question de démocratie véritable. Occupée á chercher les erreurs des autres pour ne pas voir les siennes. Incapable de pressentir que sa déroute politique, philosophique vient (par exemple) de vouloir continuer á donner des lecons aux autres, de s´auto-proclamer “vigilante” comme elle dit, envers une Amérique Latine qu´elle ne comprend pas. Prise dans la circulation circulaire de trois grands groupes privés propriétaires des grands médias francais, elle a fini par croire á ce qu´elle voit á la télé et que ressassent ensuite les petits soldats du journalisme : le hit-parade de Reporters Sans Frontières financée par le National Endowment dor Democracy. Comment, dès lors, aurait-elle la moindre idée de ce qui dans les rues du Sud, au creux de vies qui ont tout connu de l´humiliation, la dépasse en pensée, en futur, en volonté de démocratie ?
” On devrait la jouer á Caracas, La Mission” de Heiner Müller ! Des émissaires de la révolution francaise débarquent en Haïti pour y propager le soulèvement. Derrière eux, á Paris, la révolution s´effondre, Napoléon rétablit l´esclavage.” C´est Marcio Meirelles qui nous parle ainsi, ce matin á Vive, dans sa barbe blanche de dramaturge, cravate de nouveau ministre de la culture de l´État de Bahia, Brésil. “Bahia, c´est la porte sur l´Afrique, nous avons des accords avec les télévisions d´Afrique, nous pouvons construire avec Vive et avec notre télévision publique, ce pont.” “Prolongeons-le jusqu´á Haiti !”. Marcio enthousiaste va réunir un groupe des meilleurs acteurs de fiction populaire, de telenovela, pour donner les premiers ateliers de dramaturgie au Venezuela, pour renforcer notre pari de la fiction populaire en 2007. Nous échangerons nos productions, tout ce que nous en voyons jamais du Brésil, ni le Brésil de nous. Le Brésil est tourné vers l´Atlantique plus que vers l´Amérique Latine, rit-il encore. "Nous avons offert des billets á moitié prix aux noirs de Bahia, dans nos théâtres, dans la Bahía réactionnaire, raciste, toute une révolution, on nous a attaqués en justice pour discrimination !".
Au même moment Vive bouge, les travailleurs se réunissent , discutent de la nouvelle structure de production et de travail, malgré les secteurs accrochés á l´ancien mode de produire avec pour principal argument le fait qu´il existe déjà. Sous peu les cercles de réalisations se réuniront autour de chaque programme pour leur donner leur forme particulière, différente de l´autre. “Un contenu révolutionnaire veut une forme révolutionnaire, nous ne voulons plus de telenovelas classiques, nous pouvons faire autre chose á Bahía maintenant que nous avons le pouvoir” acquiesce Marcio. Il nous invite á la rencontre des télévisions á Bahia "pour discuter de la différence entre télévision d´État et télévision publique”. Il sourit lorsque j´évoque la campagne transnationale des grands médias contre Chavez, "pourquoi perdre du temps avec eux" s´amuse-t-il.
Ainsi, les républiques nègres du Sud construisent la démocratie. Avec les phares courts de la route et les grands feux sur le lointain, comme disait Omar Torrijos.
Le gouvernement de Hugo Chavez vient de prendre en charge les besoins en énergie du Nicaragua et de Haïti.
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